Pour faire suite et compléter l’exposition “American Folk Art” qui se poursuit jusqu’au 31 août à Belaye (Lot), j’entame ici une
petite série d’articles consacrés à quelques artistes, parmi mes
favoris présentés sur place.
Né en 1928 dans l’Alabama, John Henry Toney n’a
fréquenté l’école que 6 ans avant de revenir aider sa famille à la ferme. Il a
toujours aimé dessiner mais un jour lorsqu’il était jeune homme, il se fit
licencier car il avait dessiné le portrait de son patron ce qui lui fit stopper
net le dessin. Plus tard en 1994, un évènement inattendu allait bouleverser le
cours des choses : un jour, il travaillait dans un champ lorsqu’il vit dépasser
de la terre un navet qui avait l’allure d’un visage humain. Persuadé qu’il
s’agissait là d’un signe divin, il se remit à dessiner de façon soutenue.
Coll. JMC
|
Utilisant des stylos feutres et des marqueurs, il développe depuis cette
date un univers à la frontière du réel et de l’imaginaire peuplé d’animaux,
personnages extravagants projetés dans une époque qui rappelle parfois un Far
West rural. D’un trait sûr et sensuel, il décrit des scènes étranges où les
hommes sont parfois plus petits et insignifiants que les femmes dont il
surcharge outrageusement les vêtements et qu’il affuble de coiffures délirantes.
Dans certains dessins la figure féminine est presque caricaturée avec des
poitrines proéminentes et des attributs exagérés ce qui reflète peut-être la
culture dans laquelle J. H. Toney a été élevé et où la fertilité et la famille nombreuse
étaient source de fierté.
Coll. JMC
|
Coll. JMC
|
Il ne sait à peine lire et son langage est
rudimentaire et rustique ; il ne regarde jamais la télévision et il n’a jamais
voyagé loin de chez lui et c’est l’observation de son environnement direct
qui lui apporte son inspiration. C’est un homme humble, philosophe
et extrêmement poli qu’une éducation simple, faite de dur labeur et de
privations, n’a pas empêché d’acquérir un sens aigu des valeurs. Il est très
croyant et ses anciennes œuvres faisaient souvent référence à la Bible, ce qui
contraste avec les nombreuses superstitions auxquelles il attache une réelle
importance.
Coll. JMC
|
Il y a encore deux ans, il vivait dans un mobile
home sans confort situé au bord d'un marécage infesté d’alligators. Sans eau
courante, le chauffage se limitant à un petit appareil électrique, il a fini par
se faire expulser de cet endroit et survit aujourd’hui grâce à l’aide de
quelques voisins qui l’hébergent et de certains de ses
admirateurs.
John Henry Toney est
l’un des représentants du Black Folk Art auquel je suis le plus attaché. Ses
dessins inventifs et dotés d’une forte présence en font un artiste à rapprocher
d’Henry Speller dont je parlerai plus tard. Des scènes étranges où la vie quotidienne rurale côtoie une sorte de chamanisme coloré. Des visions oniriques dans un style grotesque maitrisé où l'humour n'est jamais loin. Si certains amateurs lui sont
fidèles depuis quelques années, il faut bien reconnaitre que son travail a
longtemps été boudé. Peut-être faut-il mettre en cause l’utilisation du feutre
qui effraie et éloigne les collectionneurs. En attendant, un bel article lui a été
enfin consacré dans la revue Raw Vision (n°72, printemps / été 2011).
Coll. Galerie Degbomey
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire