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vendredi 3 août 2012

JOHN HENRY TONEY

   Pour faire suite et compléter l’exposition “American Folk Art” qui se poursuit jusqu’au 31 août à Belaye (Lot), j’entame ici une petite série d’articles consacrés à quelques artistes, parmi mes favoris présentés sur place.

   Né en 1928 dans l’Alabama, John Henry Toney n’a fréquenté l’école que 6 ans avant de revenir aider sa famille à la ferme. Il a toujours aimé dessiner mais un jour lorsqu’il était jeune homme, il se fit licencier car il avait dessiné le portrait de son patron ce qui lui fit stopper net le dessin. Plus tard en 1994, un évènement inattendu allait bouleverser le cours des choses : un jour, il travaillait dans un champ lorsqu’il vit dépasser de la terre un navet qui avait l’allure d’un visage humain. Persuadé qu’il s’agissait là d’un signe divin, il se remit à dessiner de façon soutenue.


Coll. JMC
   Utilisant des stylos feutres et des marqueurs, il développe depuis cette date un univers à la frontière du réel et de l’imaginaire peuplé d’animaux, personnages extravagants projetés dans une époque qui rappelle parfois un Far West rural. D’un trait sûr et sensuel, il décrit des scènes étranges où les hommes sont parfois plus petits et insignifiants que les femmes dont il surcharge outrageusement les vêtements et qu’il affuble de coiffures délirantes. Dans certains dessins la figure féminine est presque caricaturée avec des poitrines proéminentes et des attributs exagérés ce qui reflète peut-être la culture dans laquelle J. H. Toney a été élevé et où la fertilité et la famille nombreuse étaient source de fierté.

Coll. JMC

Coll. JMC
   Son importante signature suivie de son âge est intégrée au dessin sur lequel il inscrit également de façon très visible son numéro de téléphone et même parfois son adresse ou la date d’expiration de son permis de conduire... Il est somme toute très fier de ses dessins et n’hésite pas à dire avec humour : “...c’est pas pour me vanter mais une fois de plus, cette image frôle le génie !”
Coll. JMC
Coll. JMC
   Il ne sait à peine lire et son langage est rudimentaire et rustique ; il ne regarde jamais la télévision et il n’a jamais voyagé loin de chez lui et c’est l’observation de son environnement direct qui lui apporte son inspiration. C’est un homme humble, philosophe et extrêmement poli qu’une éducation simple, faite de dur labeur et de privations, n’a pas empêché d’acquérir un sens aigu des valeurs. Il est très croyant et ses anciennes œuvres faisaient souvent référence à la Bible, ce qui contraste avec les nombreuses superstitions auxquelles il attache une réelle importance.
Coll. JMC
   Il y a encore deux ans, il vivait dans un mobile home sans confort situé au bord d'un marécage infesté d’alligators. Sans eau courante, le chauffage se limitant à un petit appareil électrique, il a fini par se faire expulser de cet endroit et survit aujourd’hui grâce à l’aide de quelques voisins qui l’hébergent et de certains de ses admirateurs.
Coll. Galerie Degbomey
   John Henry Toney est l’un des représentants du Black Folk Art auquel je suis le plus attaché. Ses dessins inventifs et dotés d’une forte présence en font un artiste à rapprocher d’Henry Speller dont je parlerai plus tard.  Des scènes étranges où la vie quotidienne rurale côtoie une sorte de chamanisme coloré. Des visions oniriques dans un style grotesque maitrisé où l'humour n'est jamais loin. Si certains amateurs lui sont fidèles depuis quelques années, il faut bien reconnaitre que son travail a longtemps été boudé. Peut-être faut-il mettre en cause l’utilisation du feutre qui effraie et éloigne les collectionneurs. En attendant, un bel article lui a été enfin consacré dans la revue Raw Vision (n°72, printemps / été 2011).
 
Coll. Galerie Degbomey

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