Un article du Monde signalant la mise en vente de la Cathédrale de Jean Linard et largement repris par quelques acteurs du microcosmos brut semble avoir suscité une large émotion. J’en profite pour reprendre un petit texte que Denis Lavaud m’avait demandé d’écrire pour la revue Zon’Art.
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Jean Linard (à droite) et ma pomme, été 2008. Photo Michel Leroux |
Quel avenir pour les environnements spontanés ?
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La Tour au chinois de Jallieu Coll. JMC |
La Tour au chinois de Jallieu balayée en 1987, la longue agonie de la Villa aux fleurs de Montbard, l’usure progressive des Rochers sculptées de Rothéneuf et tout récemment, le démantèlement du jardin d’André Hardy ou la mise en vente de la propriété de Bodan Litnianski. La litanie serait longue mais les faits sont là : de nombreux sites de création spontanée et sauvage ont la vie dure et surtout relativement courte. A qui la faute et faut-il d’ailleurs trouver des responsables ? C’est l’une des questions récurantes qui taraudent encore les amateurs et les passionnés. Au delà de l’aspect sordide de la destruction d’une œuvre d’art, quel enseignement doit-on tirer de ce phénomène ?
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Le jardin d'André Hardy debut 2011... Photo Michel Leroux |
On sera toujours peiné de la disparition d’une bâtisse de coquillages ou du saccage d’un jardin de sculptures mais ces comportements ont en fait un sens. Un langage ou un message qui veut dire que la création, l’excentricité, l’originalité ne sont respectées que dans un cadre encore très normé. L’art c’est dans les ateliers que ça doit se passer et c’est dans les galeries ou les musées que ça doit se voir, pas dans un jardin ou un village, pas sur la façade d’une maison. L’art dérangerait-il encore ? En tout cas si le voisinage de ces créateurs hors-norme fait preuve d’une apparente tolérance amusée, il semble bien qu’à la disparition de l'intéressé, la conservation du lieu ne soit pas la priorité. Mais il ne faut pas généraliser et songer bien évidemment aux contingences financières lourdes parfois, aux situations familiales inextricables, aux successions compliquées empêchant le sauvetage de certains lieux.
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La tour grise de Verneuil Coll. JMC |
Notons que ce genre de problème a toujours une solution lorsqu’il s’agit d’endroits racoleurs à fort potentiel touristique ou marchand. Lorsque par exemple, la maison que Picasso occupait à Montrouge fut menacée par les promoteurs, certains journaux nationaux relatèrent l’affaire en soutien. En revanche, pas de compassion pour le Palais artistique de Pierre Dange à Rogny rasé et remplacé par un pavillon; pas d’apitoiement non plus pour la Tour grise de Verneuil qui s’effondre petit à petit.
Positivons : la mort de ces fabuleux endroits renforce leur marginalité, leur différence rejetée ; un gage morbide d’authenticité contenu dans cette non-reconnaissance qui alimente de manière un tantinet romantique, le destin de ces œuvres. Lorsqu’on est sensible à cet art merveilleux, lorsqu’on a conscience de la tâche effectuée, de l’implication personnelle et totale de ces créateurs, le caractère éphémère de ces réalisations est sur le plan affectif et émotionnel totalement insupportable ; mais si cette mort annoncée est une composante véritable de ces productions brutes ou populaires, alors il faut respecter le devenir sombre de ces univers uniques.
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Coll. JMC |
Certains d’entre nous ont déjà été confrontés voire témoins de ces atroces disparitions. L’avenir de ces environnements dits bruts fait toujours l’objet de débats et de réflexions qui ne donnent pas la solution. Je ne suis pas hostile aux restaurations de ces lieux mais je crois maintenant pouvoir accepter le fait que ces créations sont porteuses intrinsèquement de leur non-survie au delà de l’existence de leur auteur. Des œuvres vivantes et donc provisoires qui repartent avec leur créateur... Comme disait Chomo : ”...Tout est provisoire ! Toi ! Moi ! Les arbres ! Nous sommes tous des provisoires ! Tout ce qui a été dressé sera abattu, t’inquiètes pas !...”
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