jeudi 5 décembre 2013

L'art naïf mayennais passe à l'Est

   L'association Création Naïve et Singulière de la Mayenne (CNS 53), propose jusqu'au 6 janvier 2014 au Musée National des Beaux-Arts de Biélorussie de Minsk une exposition qui présentera une cinquantaine d’œuvres de créateurs autodidactes mayennais, issues pour une part des collections du Musée de Laval et pour l’autre part, des artistes et des collectionneurs.



Article du courrier de la Mayenne
Jules Lefranc – Robert Tatin – Jacques Reumeau – Alain Lacoste – Brigitte Maurice – Serge Paillard – Jean-Louis Cerisier - Céneré Hubert – Patrick Chapelière.
 
   Pour l'occasion un catalogue a été edité et une  signature aura lieu le dimanche 15 décembre, au Musée d'Art Naïf et Singulier de Laval, de 16h00 à 17h30, en présence du commissaire de l'exposition Jean-Louis Cerisier et de quelques artistes présents dans cette exposition.
 
Illustration de couverture : Cerf Elancé - Cénéré Hubert   
Collection Art Obscur, M. Leroux
 
 


Catalogue 56 pages, 31 illustrations couleur.
13 euros + 3,50 euros de frais de port.
Reglement à envoyer à :
Création Naïve et Singulière en Mayenne
 32 Rue des Bouchers
53000 LAVAL
 
Robert tatin - Mère mérante                  Coll. Art Obscur
On peut également trouver ce catalogue
à la librairie de la Halle Saint -pierre
2, rue Ronsard,  75018 Paris
 
Alain Lacoste - En Mission                                                   Coll. Art Oscur

mardi 24 septembre 2013

GAZOGÈNE À LYON

   Du 28 septembre au 6 octobre 2013, dans le cadre de la 5e Biennale Hors-Les-Normes de Lyon, la revue Gazogène présente AMERICAN FOLK ART - la face cachée de l'art américain.

Tim Brown - Richard Burnside - Ted Gordon - S. L. Jones - R. A. Miller - Mr Imagination - Prophet Royal Robertson - Mary T. Smith - Henry Speller - Jimmy Lee Sudduth - Mose Tolliver- John Henry Toney - Inez Walker - Willie White.

   Je serai sur place pendant toute la durée de l'exposition.
 
 
AMERICAN FOLK ART
la face cachée de l'art américain
 
Ouvert tous les jours
du 28 septembre au 6 octobre 2013
 
Galerie de la MAPRA
9, rue Chenavard
69001 Lyon
 

lundi 12 août 2013

Gazogène 35 est sorti

 
   A l’occasion de la Biennale d’Art Hors-les-Normes de Lyon (du 28 septembre au 6 octobre 2013) Gazogène présentera l’exposition  “American Folk Art, La face cachée de l’art américain.”
La MAPRA - 9, Rue Paul Chenavard - 69001 Lyon         

Le numéro 35 de la revue sert également de catalogue à cet évènement.  Ce nouveau numéro est donc entièrement consacré à cette forme d’art et aux artistes qui en sont les représentants les plus fameux.
14 créateurs pour la plupart issus des populations afro-américaines du Sud Profond : Tim Brown, Richard Burnside, Ted Gordon, Mr Imagination, S. L. Jones, R. A. Miller, Royal Prophet Robertson, Mary T. Smith, Henry Speller, Jimmy Lee Sudduth, Mose Tolliver, John Henry Toney, Inez Walker, Willie White.

Un  miroir de la vie quotidienne avec sa critique sociale (ségrégation, sexualité, prostitution...) mais aussi la ruralité, la nature, la religion… Du vécu décrit sans concession dans des œuvres fortes au style unique, immédiatement identifiable. Une apparente simplicité pour exprimer la dureté de la vie mais aussi les bonheurs simples.
Textes de Jean-François Maurice, Laurent Danchin et Jean-Michel Chesne.
 
52 pages dont 40 en couleur.
20 euros port compris.
Chèque à l'ordre de "les Amis de Gazogène"
Co/  Jean-François Maurice - Charroux - 46140 Bélaye
 
 



mardi 23 juillet 2013

Pierrot CASSAN, chroniqueur du quotidien

   Cette année les sculpteurs Sylvain et Ghyslaine Staelens font une pause. Il n’y aura pas de quatrième édition d’Outsiders, l’excellente expo estivale qu’ils ont initiée à Mauriac depuis 2010. Ce couple d’artistes installé dans le Cantal depuis plus de 10 ans est désormais largement impliqué dans la vie culturelle de la ville. C’est ainsi que Sylvain et Ghyslaine ont été sollicités pour intervenir en tant que conseillers artistiques et techniques sur l’exposition qui rend hommage à Pierrot Cassan à l’occasion du centenaire de sa naissance.



   En 2003, la revue Gazogène (n°25) avait consacré un dossier à cet artiste mauriacois en  rassemblant plusieurs textes et témoignages de Marcel Mazar, Roland Sabatier, Pierre Chaumeil et Jean-François Maurice. Je reproduis ici des extraits du texte de JFM à propos de P. Cassan.


   “L’œuvre de Pierrot Cassan aurait pu disparaitre. Comme souvent pour ce type de travail, c’est le regard d’un autre artiste, le lithographe Marcel Mazar, qu’il l’a sauvée. Au delà de la pauvreté des matériaux utilisés,, de la gaucherie apparente du style et autre naïvetés formelles, il a su reconnaitre la singularité d’un véritable artiste. Pierrot Cassan est certes un autodidacte mais il fait surtout partie de la grande famille des instinctifs, de celle qui pratique un art à l’état sauvage et qui pour être brut-naïf, n’en est pas moins profond, complexe et mystérieux. La vaste famille des créateurs du dimanche pour qui tous les jours sont des dimanches. Un cousinage évident avec certains autres : Germain Tessier, le maraîcher de Pithiviers, François Baloffi, le marin pêcheur de Collioure, ou Yvonne Robert, agricultrice vendéenne.
   Pierrot Cassan a vécu à Mauriac dans le Cantal et y est mort en 1982. Comme ses parents tenaient une charcuterie, il transforma plus tard la vitrine en lieu d’exposition permanente de ses œuvres. Il se fit le mémorialiste de Mauriac, exposant l’univers de cette place de l’Hotel-de-Ville avec ses habitants, ses cafés, ses évènements de tous les jours, qu’il érigeait par la force poétique de sa peinture en véritable épopée. Ses passions, ses amours éclatent ; c’est le cirque et ses animaux, la pêche, la chasse et toutes les petites gens : serveuses de bistrot, ou rempailleurs de chaises, gardes champêtres ou braconniers, musiciens de bal et autres joueurs de cabrette, marchands de bestiaux, palefreniers et paysans, personnalités plus ou moins locales mais également gloires nationales et mêmes universelles, sans oublier les épisodes de la résistance.

   Toutes ces œuvres sont réalisées à la gouache sur des morceaux de carton de formats variés. Si certaines séries sont totalement noires et d’autres presque monochrome, c’est tout simplement qu’il n’avait plus de couleur ! Dans les dernières années de sa vie, il a réalisé des centaines de peintures sur des cartons à chaussures. Marcel Mazar qui conserve la quasi totalité des gouaches a sauvé cette aventure picturale insolite de la destruction probable et de l’oubli. Pour lui : “ Pierrot Cassan s’exprime comme il l’entend avec beaucoup de liberté et de fantaisie. Il raconte ce qu’il voit avec humour et gentillesse (...) Son geste est une affaire de cœur, ses mots sont les mots de tous les jours. C’est une œuvre authentique, à la portée de tous.”
Toutes photos Ghyslaine Staelens
 
"PIERROT CASSAN AURAIT CENT ANS"
Musée de Mauriac,
Rue Emile Delalo
15200 MAURIAC
Tel. : 04 71 67 35 81
 

lundi 8 juillet 2013

"ÂMES SENSIBLES" à Aurillac

   Je ne vais pas y aller par quatre chemins ni écrire de bla-bla inutile : Ghyslaine et Sylvain Staëlens que je ne présente plus invitent leurs amis artistes, le sculpteur Jean-Yves Gosti et le dessinateur Joël Lorand, pour une exposition forte  placée sous le signe de la vie, du coeur et de l'amitié. La grand-messe a lieu jusqu'au 31 aout 2013 dans Les Ecuries Jardin Des Carmes, 37 Rue Des Carmes à Aurillac dans le Cantal. Une expo de haute tenue pour ces quatre compagnons dans un lieu parfaitement adapté à l'esprit de leurs créations.

Premier plan : Sylvain et Ghyslaine Staelens

Premier plan : Jean-Yves Gosti

Premier plan : Sylvain et Ghyslaine Staelens

Sylvain et Ghyslaine Staelens


Premier plan : Jean-Yves Gosti

Jean-Yves Gosti

Joel Lorand



Premier plan : Sylvain et Ghyslaine Staelens

Joel Lorand

Jean-Yves Gosti
 
Premier plan : Sylvain et Ghyslaine Staelens
 

mardi 16 avril 2013

Le jardin aux pierres perdues

   On le sait, le bord des routes réservent de belles surprises pour autant que l’on soit attentif et que l’on veuille voir. Depuis le temps que je file dans le Loir-et-Cher pour souffler un peu il fallait bien que ça arrive et c’est en fait sur une petite route départementale de la Sarthe limitrophe que les amis qui m’accueillent régulièrement m’ont signalé la présence d’un ensemble de constructions hors du commun.




   Une fois sur place, le hasard ou la chance ont voulu que l’auteur et propriétaire des lieux soit présent et qui plus est à l’ouvrage. Il est accueillant, étonné mais ravi qu’on se soit arrêté. Les présentations effectuées, notre homme n’est pas avare de commentaires ni d’explications pour peu que que vous répondiez aux innombrables devinettes qu’il vous pose à propos de son travail mais aussi de sa vie. Une conversation menée tambour battant, du tac au tac pour cet homme de 77 ans d’une vitalité exceptionnelle.
 
 
   Depuis cinq ans Michel R. réalise une série de tourelles étranges constituées d’une accumulation de matériaux de construction récupérés dans les décharges ou à la fin des chantiers d’artisans. L’ensemble est  judicieusement agencé par strates successives. Briques, carrelage, ardoises, galets, bouteilles, poteries, sont appareillés avec un sens aigu de la couleur, du rythme et de la texture, le tout exécuté sans une once de mortier. Le procédé et l’allure (dans une moindre mesure) n’est pas sans rappeler les tours des Ruines de la Vacherie à Troyes qui, elles aussi, furent élevées sans ciment, à l’aide de matériaux issus de la démolitions de bâtiments divers.
Les tours des Ruines de la Vacherie à Troyes                                  Coll. JMC
 



   Une dizaine de ces édifices dont le plus grand mesure quatre mètres, trônent le long de la petite route et lorsqu’on lui demande ce qui a déclenché cet envie de bâtir, il reste assez évasif, évoquant tout de même son attirance pour les curiosités architecturales des environs. Il parle des fours à chanvre, de certains pigeonniers ou des chambres de béliers hydrauliques présents dans la région.
 
 
   Ancien ouvrier agricole puis salarié dans le bâtiment à la retraite depuis 15 ans, Michel R. improvise totalement l’édification de ses tours, juché sur des palettes entassées en guise d’échafaudage ; et si les débuts furent laborieux (puisque la première s’effondra au bout de 10 jours !) il maitrise aujourd’hui parfaitement le savoir-faire nécessaire pour que son œuvre soit pérenne. En nous raccompagnant, il nous raconte qu’il vient de trouver dans une décharge une plaque de rue émaillée au nom hautement poétique : ”Allée de la Pierre Perdue”. Il compte bien installer cet objet à l’entrée de son petit terrain et baptiser ainsi son domaine.                               
À Marie et Jean-Luc 
Toutes photos J.M.C. / Doits réservés
 

lundi 1 avril 2013

Portes ouvertes chez Joseph KURHAJEC

   A l'occasion des portes ouvertes qu'organise Joseph Kurhajec dans son atelier du 14° arrondissement de Paris et auxquelles il m'a gentiment invité à exposer, je propose un entretien que j'avais mené avec lui en 2009. Ce texte est également disponible dans le numéro 32 de la revue Création Franche.
  
 Joseph KURHAJEC, chineur d'images.
   Connaît-on véritablement Joseph Kurhajec ? Depuis le temps qu'il a adopté la France et qu'on y croise son travail au gré de quelques expositions trop rares, il était peut-être temps d'essayer de porter un nouvel éclairage sur ce qui anime ce personnage complexe. Grâce à l'entretien que j'ai eu avec lui au mois de novembre 2009, certains aspects de son œuvre inclassable se dévoilent et prennent tout leur sens. Cinquante ans de création ininterrompue sur lesquels Kurhajec revient pour tenter de nous apporter quelques clés.
   Les quelques textes en français ou biographies succinctes souvent erronées qui circulent sur Internet sont bien évidement trop synthétiques pour ne pas échapper aux poncifs véhiculés à propos de sa vie ou de son œuvre. On l'a, par exemple, souvent fait naître à Prague (ex Tchécoslovaquie) mais si ses parents étaient effectivement d'origine tchèque, Joseph Kurhajec est bien né aux Etats-Unis en 1938 à Racine dans le Wisconsin.
   Racine, un nom de ville natale prédestiné pour celui qui malgré son bras handicapé par la polio, allait puiser dans la nature une partie de son inspiration ainsi que les matériaux nécessaires à son expression. Il passe son enfance dans une ferme où son père élève des visons. Son attrait pour la culture amérindienne sera déterminant et irriguera la partie de son œuvre la plus primitive, sauvage.
   C'est en effet avec le bois, la terre cuite ou d'autres éléments naturels qu'il crée ses animaux, ses totems, ses personnages sanglés de cordes, bardés de tissus, de fibres, de cornes ou de plumes ; fétiches de céramique couronnés d'os exaltant le culte de la nature et la croyance aux esprits. Mais il serait réducteur d'arrêter là le portrait car chaque période de sa vie et de sa création révèle des aspirations multiples et sincères, véritable moteur à sa production sauvage.
Si c'est à New York que Kurhajec rencontra le succès dans les années 70, c'est en France qu'il est dorénavant intégré dans le circuit de la création hors-norme.

 
Comment se sont produites vos rencontres ou vos rapprochements avec les gens qui, en France, s'occupent d'art brut, art singulier etc. ?
   Quand je suis arrivé en France en 1986, j'ai rapidement été exposé par des gens passionnés par l'Art Brut, Outsider, etc. Il faut dire que dès 1980, je fréquentais déjà Luise Ross qui tient à New York une galerie célèbre dans ce domaine. Je connaissais également d'autres galeries qui présentaient des œuvres pouvant être assimilées à l'Art Brut. Je m'étais d'autre part intéressé aux travaux d'Alfonso Ossorio dont je me sentais proche. Cet artiste avait une série d'œuvres constituées d'assemblages divers ("Congrégations"), ce qui lui valut d'être inclus aux côtés de Dubuffet et de 140 autres artistes dans l'exposition "L'Art de l'Assemblage" au Musée d'Art Moderne de New York en 1961. Sur les conseils de Pollock, Ossorio fit l'acquisition en 1951 d'un terrain de 24 hectares, dans l'état de New York, où il vécut plus de quarante ans, et où il hébergera les collections d'Art brut de Dubuffet entre 1953 et 1962. J'ai vu les collections là-bas et c'est aussi comme cela que j'ai abordé cette forme de création.
   Pour revenir à l'Europe je dois parler également d'un séjour de six mois à Bruxelles entre 1986 et 87 au cours duquel j'ai rencontré et fréquenté Jephan de Villiers. C'est ainsi que plus tard nous avons participé ensemble à la Halle Saint-Pierre à Paris lors de l'exposition "Civilisations imaginaires" en 1998 conçue par Laurent Danchin et Martine Lusardy. En 1989, Caroline Bourbonnais me faisait visiter La Fabuloserie. Je crois me souvenir qu'elle a deux pièces de moi ; peut-être dans les réserves...
   Du reste, je me suis toujours intéressé à l'art populaire, au Folk-Art américain. Etant moi-même issu d'un milieu rural j'ai toujours été sensible à ces productions mais mon véritable choc eut lieu lors d'une exposition à Chicago en 1960 montrant des fétiches cloutés du Zaïre (République démocratique du Congo). Cela m'a fait une forte impression et a défini la direction que je voulais donner à mon travail. A l'époque je réalisais déjà des sculptures emballées ou des assemblages de matériaux de récupération que l'on a parfois comparés à certains tableaux en relief de Louis Pons que je ne connaissais pas. Cette exposition de fétiches a été décisive et fut le démarrage de toute ma recherche et de mes autres influences primitives et plus tard je suis passé à la création de mes propres fétiches en essayant d'injecter du spirituel dans mon travail ; la recherche d'une vérité, d'un esprit ; relever, débusquer la présence du sacré et de la magie dans l'art.

 
Depuis les années 60, vous avez énormément voyagé. Pouvez-vous expliquer ce besoin toujours actuel ?
   Je crois que créer découle d'un processus d'éternel apprentissage plus général et universel. J'ai eu besoin d'aller à la recherche de tous les aspects de l'art. J'ai voyagé en Inde pour y découvrir les temples. J'ai été en Chine pour y voir les céramiques antiques. J'adore le Mexique où je travaille la sculpture trois mois par an. J'ai voyagé dans toute l'Europe en participant à chaque fois à des ateliers pour apprendre de nouvelles techniques et utiliser les matériaux de la région. Je ne fais pas de tourisme à l'étranger, j'y travaille, j'y expose parfois et je me nourris de tout ce que je vois pour développer mon art. De toute façon j'ai tendance à mieux travailler ailleurs que chez moi car je dois faire mes preuves à nouveau dans des endroits où je ne suis pas connu. Un de mes voyages les plus marquants fut l'Ile de Pâques d'où j'ai ramené 30 kilos de pierre volcanique avec la quelle j'ai réalisé des dizaines de petites pièces. Des petites déesses à peine ébauchées... A ce moment là je me disais que ce que j'avais de mieux à faire était de sculpter, ce qui n'était pas évident car jusqu'en 1980 j'étais persuadé que je ne pouvais pas travailler la pierre à cause de mon bras. A mes débuts, j'ai surtout appris à souder et travailler le métal à cause de mon handicap.
   Je voyage encore, d'ailleurs je viens de passer l'automne 2009 en Irlande chez un ami sculpteur. Sur place, j'ai fait 70 nouvelles pièces dont une série de grandes têtes-fétiches qui rappellent ce qu'il avait montré à Paris en 1998.
En tout cas, tout ce que j'ai pu collecter et voir lors de mes voyages me fait dire que la terminologie "Art Brut" est bien fragile car je sais que toute œuvre a une source et je considère encore que l'art ethnique est une forme d'art populaire.

 
Dans les années 70 votre travail était assez engagé politiquement. On est loin du spirituel et du chamanisme pour lesquels vous êtes plus connu.
   Effectivement, dès les années 60 je fréquentais des artistes très engagés. Je manifestais ou je participais à des marches pacifistes. On était en plein conflit au Viêt-Nam. C'est vrai que mon travail reflétait ce qu'on voyait à l'époque. Mais mes sculptures de cette période étaient essentiellement anti-guerre. Plus tard j'ai rendu hommage aux Amérindiens avec une série de pièces surmontés de crânes de chevaux.
   Après les guerres en Irak, j'ai réalisé une installation d'une centaine de pièces de terre cuite d'un mètre de hauteur représentant un obus surmonté d'un crâne ainsi qu'une série de dromadaires en terre cuite portant des bombes et des crânes sur leur dos.
   A la Halle Saint-Pierre, j'ai également installé dans le hall un hommage aux victimes du 11 septembre. Je n'ai pas laissé tomber cet aspect de mon travail. S'il faut monter au créneau je réagis avec des œuvres.

Vous sculptez, vous modelez, vous dessinez aussi, vous faites de la gravure, mais vous êtes assez célèbre pour les jouets étranges que vous fabriquez.
   Oui, j'ai commencé à faire ces jouets de bois pour mes deux jeunes fils lorsque nous habitions en Italie à quelques kilomètres de Rome jusqu'en 1980. Le bois mort était abondant et les formes de ce que je trouvais sur place me donnaient plein d'idées pour réaliser ces animaux bizarres à roulettes. J'en ai fait aussi à la naissance de mon troisième fils en 1987 et depuis je n'ai jamais cessé d'en confectionner. C'est plutôt un boulot pour le mois de décembre...rires...
   Quant au dessin, il se révèle souvent être les ébauches de mes sculptures. Le travail sur papier est un support idéal pour développer et faire évoluer mes nouvelles idées de sculptures.
Mon travail est un perpétuel développement. Chaque pièce est la continuité de la précédente et le lit de la suivante.
Courtesy of V&M

On trouve dans certaines de vos productions d'autres thèmes inattendus : la représentation du Sacré Cœur et de l'image du Christ. Pouvez-vous en parler un peu ?
   Je pense que mon attrait pour le Sacré Cœur remonte à l'enfance. Dans les années 40 et 50, on trouvait cette image dans tous les foyers. C'était un véritable porte-bonheur dont l'origine est associée à sainte Marguerite-Marie qui fit la promesse à tout possesseur de ce symbole d'être béni. J'ai grandi avec cette image et il y a quelques années c'était devenu un peu obsessionnel. J'ai réalisé des centaines de petits tableaux représentant le Sacré Cœur sanglant couronné d'épines. Parfois, avec le surplus d'encre de mes travaux de gravure, j'en réalisais un nouveau. J'ai même été à Paray-le-Monial sur les traces de sainte Marguerite-Marie pour comprendre l'origine de ce culte.
   Dans mon enfance je fus également marqué par ma première visite dans l'église de mon quartier. A l'intérieur il y avait une statue de saint Sébastien transpercé de flèches. Je pense que cette vision forte a également participé au fait que je traite simultanément du religieux, de l'animisme, du chamanisme etc. Certains pensent que je mélange tout mais je fais bien la différence. J'ai été élevé dans la religion catholique et même si je me réfère parfois au chamanisme, j'aborde le sujet sans trop de considérations mystiques mais au sens premier du terme. Je considère les chamanes comme des médecins, des guérisseurs qui connaissent la psychologie et la médecine par les plantes. Des médiateurs entre les humains et l'esprit de la nature. J'ai rencontré des chamanes et je leur ai parlé. Je ne peux que les respecter et leur rendre hommage mais cela ne m'empêche pas de douter.

Coll. Louis Guyard
 
   Kurhajec parcourt la planète, travaille sur de multiples thèmes, utilise de nombreuses techniques, et ses influences sont si larges. Comment nommer cela : l'universalité ? Non bien sûr, le costume serait trop grand mais c'est comme cela qu'il fonctionne, naturellement curieux et intuitif. Avec toutes les images qu'il a en tête depuis si longtemps, il crée presque automatiquement ressentant les choses fortement. La main se pose sur la feuille et ça sort. Il dit même croire qu'elle est parfois guidée. Dans l'absolu, il souhaiterait réaliser des œuvres qui guérissent, des cataplasmes de l'âme.
   Désormais, Joseph Kurhajec partage sa vie entre trois endroits : les Etats-Unis, la France et depuis peu le Mexique. Ce grand voyageur parcourt encore le monde et semble chez lui partout. Il ne pose jamais ses valises ; d'ailleurs en a-t-il des valises ? Sa capacité d'adaptation lui permet de créer n'importe où. Cet artiste-brocanteur comme on a pu le surnommer fait sa trace où qu'il passe. Je l'observe depuis quelques années maintenant : c'est un chineur d'images, un glaneur de visions fortes dont il se nourrit pour créer sans relâche une œuvre sulfureuse, puissante et sans concession.
Jean-Michel Chesne - Droit réservé