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mardi 21 juin 2011

Le cas Guy Brunet

   Guy Brunet est né dans l'Aveyron en 1945 et dès l’enfance il baigne dans l’univers du septième art car son père gérait un cinéma dans le Tarn. Jusqu'en 1963, programmant essentiellement des films hollywoodiens, Guy aida son père comme projectionniste et monteur. Comme il le dit, c’est probablement l’arrivée de la télévision qui aura raison de l’activité de la famille Brunet qui s’installe ensuite à Cahors et y développe un petit commerce d’electro-ménager. En 1973, il revient dans le bassin minier de Decazeville (Aveyron) où il sera ouvrier dans plusieurs usines et c’est en 1987 qu’il se consacre pleinement à sa passion : le cinéma. Depuis et sans discontinuer, il peint  l'Age d'Or du cinéma, celui des années 30 aux années 60 réalisant une sorte d’inventaire extravagant étayé par une solide érudition encyclopédique sur le sujet.

La façade de l'ancienne boucherie peinte par Guy Brunet en 2004

Guy Brunet peint généralement ses grandes affiches sur le pas de sa porte,
indifférent au vacarme du passage des voitures et des camions.
Dioramas et autres petits décors utilisés pour ses films
Des dizaines d'affiches de cinéma revisitées et peintes à la glycéro.

   Sur des supports de récupération, Guy Brunet réinvente à sa façon affiches, publicités, logos de firmes. Il retrace en se filmant lui-même durant des heures, l’histoire du cinéma et pour illustrer ses propos, il montre à l’écran certaines des 750 silhouettes de «vedettes» qu'il a peintes pratiquement grandeur nature sur du carton ondulé. Cette foule impressionnante d’acteurs, de metteurs en scène, d'opérateurs, de décorateurs, de producteurs... est répartie dans les pièces et les couloirs de cette ancienne boucherie acquise en 1994. Les hommes d’un côté les femmes de l’autre. L’ambiance générale des lieux est totalement incroyable voire inquiétante puisque l’on est observé par des centaines de regards. Guy Brunet est intarissable et vous fera découvrir son royaume dans la quasi pénombre d’une bâtisse humide et vétuste mais cette visite à Viviez reste sincèrement l’une des plus fortes et bouleversantes que j’ai pu vivre auprès d’un créateur.

Des centaines de silhouettes de personnages oubliés.


   Ce travail obsessionnel et sa vie toute entière sont intimement liés au cinéma à tel point qu’au dehors, Guy Brunet n’est pas très à l’aise et ne trouve pas sa place. Au delà de son pas de porte le monde extérieur ne l'intéresse pas vraiment. Il le dit lui-même : «Quand je suis en dehors de chez moi, je me demande sur quelle planète je suis. Je suis comme la station Mir qui redescend sur Terre. C’est à dire que pour moi, l’extérieur c’est l’inverse : j’entre dans un univers qui me dépasse, je suis dans un autre monde, complètement perdu... alors que chez moi je retrouve un système de vie qui me convient parfaitement. Alors bien sûr, pour certains c’est du rêve mais pour moi c’est une réalité puisque tout ce que j’ai autour de moi existe.»



   Dans une plaquette éditée en 2008 à l'occasion de l'exposition de Rodez "Le monde rêvé de Guy Brunet",  Jean-François Maurice écrivait :
«Né pour ainsi dire dans un cinéma et imprégné de connaissances cinématographiques on ne peut dire Guy Brunet sans culture. Encore faut-il s'entendre sur ce mot ! Ce qui nous est ici rendu n'a rien à voir avec une quelconque culture académique. C'est comme si il avait fixé sur sa rétine les vieilles affiches d'autrefois et qu'il nous les restituait morceau par morceau avec une minutie telle que les noms du deuxième accessoiriste, d'un obscur assistant ou de la maquilleuse prenaient autant d'importance que ceux du chef-opérateur, du réalisateur, sans oublier le producteur.
Salutaire leçon que cette remise à plat où, de plus, les idoles, les stars comme les seconds rôles sont réduits à leurs effigies de cartons comme autant d'ombres d'eux-mêmes.
Cet hommage au cinéma en montre aussi la perversion et Guy Brunet rejoint ici la grande cohorte des « insurgés de l’art » dont parlait Jean Dubuffet. Voyez-la cette immense foule d’acteurs fétiches réduits à leur platitude ! Car ce n'est ni le talent ni l'absence
de talent ni même l'industrie cinématographique ou la publicité, c'est le besoin qu'on a d'elle qui crée la star.C'est la misère du besoin, c'est la vie morne et anonyme qui voudrait s'élargir aux dimensions de la vie de cinéma.
L'art modeste de Guy Brunet rejoint celui des clandestins de l'Art Brut pour lesquels les images des entractes conviennent mieux que toutes les autres pour évoquer un entractes de la vie.»
(Photos JFM et JMC - droits réservés)






Une séquence du film de  Jean-Pierre Vedel
"On est pas des artistes" - 2000 
A l'époque, Guy Brunet n'avait pas encore 
peint la façade de la boucherie.

En 2011 Guy Brunet se filmait encore au caméscope et cassettes VHS
qu'il convertit ensuite en DVD.

mardi 7 juin 2011

En passant par Lodève...


  Le rideau est tombé sur l’écran du festival du film d’Art Brut organisé à Nice par l’association Hors-champs. Une fois encore, Pierre-Jean Wurtz a su animer ces deux journées (4 et 5 juin) dans la bonne humeur qui le caractérise et nous garderons de ce week-end un excellent souvenir.
   Avant de rentrer chez soi, un détour par le département de l’Hérault nous fait passer non loin de Lodève. C’est en périphérie de cette ville, dans un secteur qui s’apparente à une zone industrielle que réside Horacio Diaz, auteur d’un jardin de sculptures en ciment. On y découvre une véritable ménagerie à ciel ouvert où comme souvent cohabitent animaux et créatures de règnes différents, de périodes géologiques éloignées, la proie côtoyant le prédateur.


   Pas de problème finalement pour que des volatiles de basse-cour se promènent sous le regard féroce de monstres du jurassique : le temps s'est pétrifié pour cet inventaire animalier. Mélange de genres, mélange d’époques, M. Diaz fabrique les pensionnaires de son terrain au gré de sa fantaisie et de ses envies. Certains animaux sont parfois pratiquement grandeur nature. Ils ont été conçus et maçonnés sur place. Ils sont indéplaçables et ne bougeront plus. C’est le cas notamment de plusieurs éléphants, mammouths, dinosaures, ou grands fauves.

 
L'impressionnant stégausaure incrusté de galets de Palavas. Un monstre pratiquement grandeur nature pour dissimuler la friche industrielle.
Magnifique texture de galets de Palavas pour cette tête de dinosaure.
Un énorme mammouth en béton pour accueillir les visiteurs.
A l'instar de cet éléphant, quelques pièces sont recouvertes 
de galets de Malaga.
Si les alentours de la propriété de M. Diaz sont cernés d'entrepôts,  
l'arrière du terrain présente en revanche un beau panorama.
Un diplodocus dressé en guise de barbecue.
C'est la sculpture qui attire l'œil en arrivant sur place.
Un visiteur aventureux mais malchanceux...
   Cet ancien entrepreneur cimentier a conservé son atelier où il produit encore des pièces plus petites et des séries d’objets décoratifs lorsque son entourage lui passe commande. Mobilier de jardin, pots ou jardinières sont ainsi façonnés et recouverts de galets dont il ornait également certains animaux. Il nous expliquera qu’il rapportait ces cailloux de plusieurs endroits et notamment de Malaga (Espagne), sa ville où il naquit en 1929. Certains grands sauriens sont habillement habillés de belles pierres récoltées vers Palavas (Hérault) conférant aux monstres une véritable peau de reptile. Horacio Diaz est  assurément un personnage fort sympathique et accueillant et semble visiblement en pleine forme.  
(Photos JMC et JFM - droits réservés)

Cette brouette érigée en "œuvre d'art" n'est pas sans rappeler
le Facteur Cheval qui avait également sanctuarisé la sienne !
Curieusement, la représentation de ce sculpteur local (Paul Dardé)
est avec la sirène le seul personnage de ce jardin.